Maladie des mille chancres du noyer

et son scolyte vecteur

Geosmithia morbida / Pityophthorus juglandis

Filières végétales concernées

Arboriculture fruitière, productions horticoles ornementales (pépinières), jardins et espaces verts, forêts.

Distribution géographique

À l'automne 2013, la maladie des mille chancres du noyer (Geosmithia morbida) a été signalée pour la première fois en Italie, dans une localité dans la plaine du Pô (région administrative de Vénétie), sur un petit nombre de noyers noirs d'Amérique (Juglans nigra) d'âges différents (spécimens âgés de 15 ans dans une plantation de noyers à proximité pour la production de bois et sujets de 80 ans dans un jardin privé). L'OEPP a relaté ces signalements en janvier 2014 (lettre du service d'informations n°1-2014). Il est désormais impossible d'éradiquer la maladie dans cette région.

Jusqu'à ces détections en Europe, la maladie des mille chancres du noyer n'avait été identifiée officiellement qu'aux États-Unis. G. morbida est un champignon pathogène récemment décrit et on ignore s'il est originaire d'Amérique du Nord. Son insecte vecteur, le scolyte Pityophthorus juglandis, est considéré comme indigène de l'ouest des États-Unis, mais sa propagation vers l'est des États-Unis a probablement commencé il y a déjà quelques décennies.

A noter, que d'autres scolytes pourraient probablement assurer la dissémination de ce champignon.

La distribution géographique ci-après est donnée pour le pathogène. Celle du scolyte Pityophthorus juglandis est la même avec l'ajout du Mexique (dans ce pays, P. juglandis est signalé, mais pas G. morbida) et en Italie dans la région de Lombardie (P. Juglandis a été capturé dans un piège en juillet 2014, mais G. morbida n'a pas été détecté).

Région OEPP : Italie (région de la Vénétie).

Amérique du Nord : Mexique, Etats-Unis (Arizona, Californie, Colorado, Idaho, Nevada, Nouveau-Mexique, Caroline du Nord, Ohio, Oregon, Pennsylvanie, Tennessee, Utah, Virginie, Washington).

Réglementation

G. morbida et P. juglandis sont des organismes nuisibles non réglementés et non soumis à des mesures de lutte obligatoire dans l'Union européenne. Ils sont cependant inscrits sur la liste d'alerte A2 de l'OEPP , c'est-à-dire surveillés en tant que parasites émergents et préoccupants. A ce titre, ils doivent faire l'objet d'une vigilance soutenue de la part des acteurs des filières végétales concernées par la culture du noyer.

La Commission européenne, en tant que gestionnaire des risques phytosanitaires au sein de l'Union européenne, étudie la maladie des mille chancres du noyer et son scolyte vecteur. En 2017, elle devrait solliciter une analyse officielle des risques auprès de l'EFSA sur l'épidémiologie du pathogène (circulation du matériel végétal sensible ).

Les listes d'alerte de l'Organisation européenne et méditerranéenne de protection des plantes (OEPP) font la distinction entre les organismes nuisibles qui sont absents de la région OEPP (A1) [ou les foyers détectés ont été éradiqués] et ceux qui sont présents
(A2), mais avec une répartition limitée.


Certains états membres de l'Union européenne ont déjà pris des mesures nationales pour renforcer la surveillance de ces bioagresseurs, notamment lors des contrôles phytosanitaires à l'importation (origines de pays tiers) réalisés dans les points d'entrée communautaires.

Epidémiologie

Geosmithia morbida est un champignon ascomycètes hypocréales. Aux États-Unis, il est connu sur le noyer noir d'Amérique (Juglans nigra) depuis le milieu des années 1990. En 2008, la maladie des mille chancres a été identifiée comme la combinaison de dégâts d'alimentation du scolyte du noyer P. juglandis (insecte xylophage, Coléoptères) et du développement ultérieur de chancres autour des galeries causées par l'insecte ravageur.

Aux États-Unis, cette maladie fongique est maintenant répandue dans les États occidentaux, causant une mortalité massive des noyers noirs et dans une moindre mesure d'autres espèces de noyers. Elle s'est établie également dans plusieurs états de la partie orientale des États-Unis où Juglans nigra est une espèce indigène.

Plantes hôtes

Le noyer noir d'Amérique (Juglans nigra) est la plante hôte la plus gravement touchée aux États-Unis. La maladie a également été observée sur le noyer noir de Californie du Sud (J. californica), le noyer noir de Californie (J. hindsii), les hybrides de noyers (par exemple, J. hindsii x J. regia ) et occasionnellement sur J. cinerea. Sur le noyer de l'Arizona (J. major), le champignon G. morbida provoque de nombreux petits chancres superficiels, mais sans signes de dépérissement marqués. Enfin, le noyer commun (J. regia) n'a présenté des symptômes que dans de rares cas.

Dépérissement dans la couronne d'un noyer noir d'Amérique / Développement de chancres sur le tronc et une branche

Les études de sensibilité effectuées aux États-Unis ont montré que toutes les espèces de noyer testées (J. ailantifolia, J. californica, J. cinerea, J. hindsii, J. major, J. mandshurica, J. microcarpa, J. nigra, J. regia ) étaient sensibles à la maladie des mille chancres, mais à différents degrés de sensibilité. Dans ces expériences, J. nigra était l'espèce la plus sensible et les résultats obtenus pour d'autres Juglans spp. ont corroboré bon nombre d'observations réalisées sur le terrain jusqu'ici aux États-Unis. Dans ces expériences, le noyer commun (J. regia) inoculé a développé des chancres, mais sa sensibilité variait selon les tests.

Historiquement, P. juglandis a été principalement signalé sur J. major en Arizona et au Nouveau-Mexique, où il a été considéré comme un parasite d'importance mineure. Les observations effectuées dans ces états ont montré que le scolyte vecteur limitait ses dégâts principalement aux branches et aux brindilles ombragées ou affaiblies dans la couronne supérieure. Cependant, l'expansion du nombre d'espèces de scolytes sur J. regia plantés en milieux urbains dans les états de l'Ouest des USA (c'est-à-dire en dehors de la région native de J. regia), semble avoir eu lieu au cours des vingt dernières années. Sur J. nigra, l'activité du coléoptère semble plus agressive que sur les noyers indigènes d'Amérique occidentale (par exemple, J. Major).


Symptômes

Les arbres contaminés présentent d'abord un jaunissement, puis un flétrissement du feuillage. Il s'ensuit un dépérissement progressif de la branche infectée et un rétrécissement de la couronne. En correspondance avec ces symptômes, un examen attentif de la surface de l'écorce montre des orifices d'entrée et de sortie de scolytes P. juglandis adultes. Des chancres humides foncés se trouvent alors souvent à proximité de ces trous. Après l'enlèvement de l'écorce des zones chancreuses, on observe des galeries de reproduction du coléoptère, ainsi que des tissus du phloème nécrosés.

À mesure que le scolyte et le champignon se propagent, de nouveaux chancres se forment et fusionnent, encerclant les branches. Au fur et à mesure que les ramifications supérieures meurent, la couronne de l'arbre dépérit également. Les chancres causés par G. morbida sont petits, mais l'alimentation répétée et la ponte des coléoptères sur le même arbre entraînent la production d'un très grand nombre de chancres qui tapissent et détruisent les branches, puis l'arbre entier. Les noyers peuvent être tués dans les 3 à 4 ans après la première apparition des symptômes.

Jaunissement foliaire dans le houppier d'un noyer noir d'Amérique / Observation d'un chancre sur rameau

Confusions possibles

Insectes xylophages : en cas de doute lors d'un diagnostic visuel, il convient de prélever des spécimens adultes pour permettre la détermination précise de l'espèce dans un laboratoire d'entomologie.

Pathogènes : l'apparence caractéristique des symptômes, associée aux signes de présence des scolytes vecteurs, entraîne généralement peu de confusions. Néanmoins, en cas de doute, une analyse mycologique s'avère nécessaire pour confirmer l'espèce de champignon détectée.

Eléments de biologie

G. morbida est un champignon pathogène dont les spores
(conidies) doivent être en contact avec le bois pour germer et infecter les tissus. Celles-ci sont peu susceptibles de se propager en l'absence de scolytes vecteurs P. juglandis, qui sont les seuls insectes à pouvoir disséminer G. morbida. On pense que ces coléoptères inoculent le champignon dans le phloème lorsqu'ils creusent leurs galeries d'alimentation ou de reproduction. Une fois les spores inoculées, le champignon se développe dans les tissus en 2 à 3 jours. Il produit ensuite des condiophores et des conidies en 5 à 10 jours.

Les tissus morts sont limités au phloème et au cambium. Le pathogène ne pénètre pas le bois de cœur (aubier, xylème, duramen) et n'infecte pas systémiquement l'arbre. Une forte mortalité de noyers a été observée aux États-Unis, principalement sur des arbres de J. nigra plantés en milieu urbain, à cause de l'action combinée des deux organismes. L'insecte ou le champignon seul ne sont pas considérés comme susceptibles de provoquer le dépérissement des arbres.


Les scolytes adultes de P. juglandis sont petits (1,5 à 2 mm de long), de couleur brun rougeâtre. En Californie, on compte 2 à 3 générations par an. Les adultes émergent pour une période initiale de vol en avril-mai
(températures >18°C), suivie d'un vol de deuxième génération plus étalé, de mi-juillet à mi-septembre.

Après le vol, les coléoptères forent des galeries de reproduction dans des branches souvent proches des cicatrices foliaires ou des lenticelles. Les femelles fécondées pondent des œufs dans ces galeries horizontales. Des petites larves blanches, en forme d'arc de cercle, éclosent et creusent des galeries d'alimentation, habituellement à la verticale. Le stade œuf dure 1 semaine, le stade larvaire de 1 à 4 semaines, le stade nymphal 4 semaines et le stade adulte 5 semaines.

Trous d'émergence de scolytes P. juglandis / Imago vu de profil

Ces galeries se trouvent dans le phloème et sont remplies d'une vermoulure brun foncé à noire. Les larves complètent leur développement dans ces galeries et se propagent dans une seule chambre nymphale. Des spécimens adultes émergent par la suite. Ils restent sur le même arbre ou volent vers d'autres hôtes pour s'accoupler et se reproduire.

Scolytes P. juglandis adultes lors du forage de galeries / Chancre à G. morbida associé à des galeries de scolytes

Mesures de gestion des risques

La maladie des mille chancres du noyer à G. morbida n'a jamais été signalée à ce jour en France. Toutefois, sa détection récente en Italie appelle à une grande vigilance et à une sensibilisation des réseaux d'épidémiosurveillance concernés par la culture des noyers en métropole.

En cas de suspicion de détection, nous vous demandons svp de bien vouloir prendre contact avec la DRAAF-SRAL ou la FREDON de votre région pour effectuer un signalement.

Réalisation de la fiche : DGAL-SDQSPV (J. Jullien).
Relecture : réseau d'expertise phytosanitaire (référents experts et personnes-ressources) de la DGAL-SDQSPV.
Sources bibliographiques : OEPP, CABI, USDA, universités américaines de l'Etat du Colorado, de l'Etat d'Oregon et de Cornell dans l'Etat de New York, Université italienne de Padou, DGAL-SDQSPV.
Edition : juillet 2017.
Crédits iconographiques :
- Photos pp. 1, 2, 3 (hg, hd), 4 (bd) : OEPP - Prof. Lucio Montecchio, Universita di Padova (IT)
- Photo p. 3 (bd) : Ned Tisserat, Colorado State University
- Photos p. 4 : (hg, bg) OEPP - Iris Bernardinelli - ERSA - Servizio fitosanitario - Friuli Venezia Giulia Italy ; (hd) Steven Valley - Oregon Department of Agriculture.
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